le dialogue théâtral
Texte 1 Molière, Le Malade imaginaire (1673), acte l, scène 5, fin.
Texte 1 Molière, Le Malade imaginaire (1673), acte l, scène 5, fin.
(Toinette est la servante d'Argan, qui veut donner sa fille en mariage au neveu de son médecin.)
ARGAN. - On dira ce qu'on voudra ; mais je vous dis que je veux qu'elle exécute la parole que j'ai donnée.
TOINETTE - Non : je suis sûre qu'elle ne le fera pas.
ARGAN. - Je l'y forcerai bien.
TOINETTE. - Elle ne le fera pas , vous dis-je.
ARGAN. - Elle le fera ou je la mettrai dans un couvent.
TOINETTE – Vous ?
ARGAN. - Moi.
TOINETTE. - Bon.
ARGAN. - Comment, «bon » ?
TOINETTE. - Vous ne la mettrez point dans un couvent.
ARGAN. - Je ne la mettrai point dans un couvent ?
TOINETTE. - Non.
ARGAN. - Non ?
TOINETTE. - Non.
ARGAN. - Ouais! Voici qui est plaisant : je ne mettrai point ma fille dans un couvent, Si je veux ?
TOINETTE. - Non, vous dis-je.
ARGAN. - Qui m'en empêchera ?
TOINETTE. - Vous-même.
ARGAN. - Moi ?
TOINETTE. - Oui, vous n'aurez pas ce cœur-là.
ARGAN. – Je l’aurai.
TOINETTE. - Vous vous moquez.
ARGAN. - Je ne me moque point.
TOINETTE - La tendresse paternelle vous prendra.
ARGAN. - Elle ne me prendra point.
TOINETTE - Une petite larme ou deux, des bras jetés tendrement au cou, un «mon petit papa mignon », prononcé tendrement
sera assez pour vous toucher.
ARGAN. - Tout cela ne fera rien.
TOINETTE :- Oui, oui.
ARGAN. - Je vous dis que je n'en démordrai point.
TOINETTE. - Bagatelles.
ARGAN. - Il ne faut point dire «bagatelles».
TOINETTE. - Mon Dieu ! Je vous connais, vous êtes bon naturellement.
ARGAN, avec emportement - Je ne suis point bon et je suis méchant quand je veux.
TOINETTE. - Doucement, Monsieur vous ne songez pas que vous êtes malade.
ARGAN. - Je lui commande absolument de se préparer à prendre le mari que je dis.
TOINETTE - Et moi, je lui défends absolument d'en faire rien.
ARGAN. - Où est-ce donc que nous sommes ? Et quelle audace est-ce là à une coquine de servante de parler de la sorte devant son maître ?
TOINETTE. - Quand un maître ne songe pas à ce qu'il fait, une servante bien sensée est en droit de le redresser.
ARGAN court après Tomette. - Ah! Insolente, il faut que je t'assomme.
TOINETTE se sauve de lui - il est de mon devoir de m'opposer aux choses qui vous peuvent déshonorer.
ARGAN, en colère, court après elle autour de sa chaise, son bâton à la main. -Viens, viens, que je t'apprenne à parler.
TOINETTE, courant, et se sauvant du côté de la chaise où n'est pas.
- Je m'intéresse, comme je dois, à ne vous point laisser faire de folie.
ARGAN. - Chienne!
TOINETTE. - Non, je ne consentirai jamais à ce mariage.
ARGAN. - Pendarde!
.TOINETTE - Je ne veux point qu'elle épouse votre Thomas Diafoirus.
ARGAN. - Carogne!
TOINETTE. - Et elle m'obéira plutôt qu'à vous.
ARGAN. - Angélique, tu ne veux pas m'arrêter cette coquine-là ?
ANGELIQUE. - Eh ! Mon père, ne vous faites point malade.
ARGAN. - Si tu ne me l'arrêtes, je te donnerai ma malédiction.
TOINETTE. - Et moi , je la déshériterai si elle vous obéit.
ARGAN se jette dans sa chaise, étant las de courir après elle. - Ah je n'en puis plus. Voilà pour me faire mourir.
faire mourir.
Texte 2 Marivaux, le jeu de l'amour et du hasard (1730), acte III scène 5
Le contexte est donne en classe
ARLEQUIN Hélas ! Monsieur, mon très honoré maitre, je vous en conjure !
DORANTE. - Encore ?
ARLEQUIN. - Ayez la compassion de ma bonne aventure ne portez point guignon à mon bonheur qui va son train si rondement; ne lui fermez point le passage.
DORANTE - Allons donc, misérable ; je crois que tu te moques de moi ; tu mériterais cents coups de bâton.
. ARLEQUIN. - Je ne les refuse point, si je les mérite; mais quand je les aurais reçus, permettez-moi d'en mériter d'autres. Voulez-vous que j'aille chercher le bâton?
DORANTE - Maraud!
ARLEQUIN. - Maraud, soit; mais cela n'est point contraire à faire fortune.
DORANTE - Ce coquin! Quelle imagination il lui prend!
ARLEQUIN - Coquin est encore bon, il me convient aussi : un maraud n'est point déshonoré d'être appelé coquin; Mais un coquin peut faire un bon mariage.
DORANTE - Comment insolent! tu veux que je laisse un honnête homme dans l'erreur, et que je souffre que tu épouses sa fille sous mon nom? Ecoute: Si tu me parles encore de cette impertinence-là, dès que j'aurai averti Monsieur Orgon de ce que tu es, je te chasse, entends-tu?
ARLEQUIN. - Accommodons-nous; cette demoiselle m'adore1 elle m'idolâtre; si je lui dis mon état de valet, et que. nonobstant, son tendre cœur soit toujours friand de la noce avec moi, ne laisserez-vous pas jouer les violons? ~
DORANTE - Dès qu'on te connaîtra, je ne m'en embarrasse plus.
ARLEQUIN. - Bon! et je vais de ce pas prévenir cette généreuse personne sur mon habit de caractère. J'espère que ce ne sera pas un galon de couleur qui nous brouillera ensemble, et que son amour me fera passer à la table, en dépit du sort qui m'a mis au buffet.
Texte 3 Marivaux, L'île des esclaves
Scène première
Le théâtre représente une mer et des rochers d'un côté, et de l'autre quelques arbres et des maisons.
Iphicrate s'avance tristement sur le théâtre avec Arlequin
Iphicrate , après avoir soupiré. - ARLEQUIN!
ARLEQUIN, avec une bouteille de vin qu'il a à sa ceinture. - Mon patron!
Iphicrate . - Que deviendrons-nous dans cette île?
ARLEQUIN. - Nous deviendrons maigres, étiques, et puis morts de faim; voilà mon sentiment et notre histoire.
Iphicrate . - Nous sommes seuls échappés du naufrage; tous nos camarades ont péri, et j'envie maintenant leur sort.
ARLEQUIN. - Hélas! ils sont noyés dans la mer, et nous avons la même commodité.
Iphicrate . - Dis-moi: quand notre vaisseau s'est brisé contre le rocher, quelques-uns des nôtres ont eu le temps de se jeter dans la chaloupe; il est vrai que les vagues l'ont enveloppée: je ne sais ce qu'elle est devenue; mais peut-être auront-ils eu le bonheur d'aborder en quelque endroit de l'île, et je suis d'avis que nous les cherchions.
ARLEQUIN. - Cherchons, il n'y a pas de mal à cela; mais reposons-nous auparavant pour boire un petit coup d'eau-de-vie: j'ai sauvé ma pauvre bouteille, la voilà; j'en boirai les deux tiers, comme de raison, et puis je vous donnerai le reste.
Iphicrate . - Eh! ne perdons point de temps; suis-moi: ne négligeons rien pour nous tirer d'ici. Si je ne me sauve, je suis perdu; je ne reverrai jamais Athènes, car nous sommes dans l'île des Esclaves.
ARLEQUIN. - Oh! oh! qu'est-ce que c'est que cette race-là?
Iphicrate . - Ce sont des esclaves de la Grèce révoltés contre leurs maîtres, et qui depuis cent ans sont venus s'établir dans une île, et je crois que c'est ici: tiens, voici sans doute quelques-unes de leurs cases; et leur coutume, mon cher ARLEQUIN, est de tuer tous les maîtres qu'ils rencontrent, ou de les jeter dans l'esclavage.
ARLEQUIN. - Eh! chaque pays a sa coutume; ils tuent les maîtres, à la bonne heure; je l'ai entendu dire aussi, mais on dit qu'ils ne font rien aux esclaves comme moi.
Iphicrate . - Cela est vrai.
ARLEQUIN. - Eh! encore vit-on.
Iphicrate . - Mais je suis en danger de perdre la liberté, et peut-être la vie: ARLEQUIN, cela ne te suffit-il pas pour me plaindre?
ARLEQUIN, prenant sa bouteille pour boire. - Ah! je vous plains de tout mon coeur, cela est juste.
Iphicrate . - Suis-moi donc.
ARLEQUIN siffle. - Hu, hu, hu.
Iphicrate . - Comment donc! que veux-tu dire?
ARLEQUIN, distrait, chante. - Tala ta lara.
Iphicrate . - Parle donc, as-tu perdu l'esprit? à quoi penses-tu?
ARLEQUIN, - riant. - Ah, ah, ah, Monsieur Iphicrate , la drôle d'aventure! je vous plains, par ma foi, mais je ne saurais m'empêcher d'en rire.
Iphicrate , à part les premiers mots. - (Le coquin abuse de ma situation; j'ai mal fait de lui dire où nous sommes.) ARLEQUIN, ta gaieté ne vient pas à propos; marchons de ce côté.
ARLEQUIN. - J'ai les jambes si engourdies.
Iphicrate . - Avançons, je t'en prie.
ARLEQUIN. - Je t'en prie, je t'en prie; comme vous êtes civil et poli; c'est l'air du pays qui fait cela.
Iphicrate . - Allons, hâtons-nous, faisons seulement une demi-lieue sur la côte pour chercher notre chaloupe, que nous trouverons peut-être avec une partie de nos gens; et en ce cas-là, nous nous rembarquerons avec eux.
ARLEQUIN, en badinant. - Badin, comme vous tournez cela!
Il chante:
L'embarquement est divin
Quand on vogue, vogue, vogue,
L'embarquement est divin,
Quand on vogue avec Catin.
Iphicrate , retenant sa colère. - Mais je ne te comprends point, mon cher ARLEQUIN.
ARLEQUIN. - Mon cher patron, vos compliments me charment; vous avez coutume de m'en faire à coups de gourdin qui ne valent pas ceux-là; et le gourdin est dans la chaloupe.
Iphicrate . - Eh! ne sais-tu pas que je t'aime?
ARLEQUIN. - Oui; mais les marques de votre amitié tombent toujours sur mes épaules, et cela est mal placé. Ainsi, tenez, pour ce qui est de nos gens, que le ciel les bénisse! s'ils sont morts, en voilà pour longtemps; s'ils sont en vie, cela se passera, et je m'en goberge.
Iphicrate , un peu ému. - Mais j'ai besoin d'eux, moi.
ARLEQUIN, indifféremment. - Oh! cela se peut bien, chacun a ses affaires: que je ne vous dérange pas!
Iphicrate . - Esclave insolent!
ARLEQUIN, riant. - Ah! ah! vous parlez la langue d'Athènes; mauvais jargon que je n'entends plus.
Iphicrate . - Méconnais-tu ton maître, et n'es-tu plus mon esclave?
ARLEQUIN, se reculant d'un air sérieux. Je l'ai été, je le confesse à ta honte; mais va, je te le pardonne; les hommes ne valent rien. Dans le pays d'Athènes j'étais ton esclave, tu me traitais comme un pauvre animal, et tu disais que cela était juste, parce que tu étais le plus fort. Eh bien! Iphicrate , tu vas trouver ici plus fort que toi; on va te faire esclave à ton tour; on te dira aussi que cela est juste, et nous verrons ce que tu penseras de cette justice-là; tu m'en diras ton sentiment, je t'attends là. Quand tu auras souffert, tu seras plus raisonnable; tu sauras mieux ce qu'il est de faire souffrir aux autres. Tout en irait mieux dans le monde, si ceux qui te ressemblent recevaient la même leçon que toi. Adieu, mon ami; je vais trouver mes camarades et tes maîtres. (Il s'éloigne.)
Iphicrate , au désespoir, courant après lui l'épée à la main. - Juste ciel! peut-on être plus malheureux et plus outragé que je le suis? Misérable! tu ne mérites pas de vivre.
ARLEQUIN. - Doucement, tes forces sont bien diminuées, car je ne t'obéis plus, prends-y garde.
Texte 4 Beaumarchais Le Mariage de Figaro Acte III scène V (extrait )
Le Comte Almaviva convoite la fiancée de FigaroSuzanne et cherche à emmener le couple avec lui dans son ambassade de Londres. La comtesses malheureuse de cette infidélité du comte lui a de son côté dissimulé, avec la complicité de Suzanne et de Figaro qu'elle a reçu le jeunes page du comte Chérubin.
LE COMTE, à part: Il veut venir à Londres; elle n'a pas parlé.
FIGARO, à part: Il croit que je ne sais rien; travaillons-le un peu, dans son genre.
LE COMTE: Quel motif avait la Comtesse, pour me jouer un pareil tour?
FIGARO: Ma foi, Monseigneur, vous le savez mieux que moi.
LE COMTE: Je la préviens sur tout, et la comble de présents.
FIGARO: Vous lui donnez, mais vous êtes infidèle. Sait-on gré du superflu, à qui nous prive du nécessaire?
LE COMTE: ... Autrefois tu me disais tout.
FIGARO: Et maintenant je ne vous cache rien.
LE COMTE: Combien la Comtesse t'a-t-elle donné pour cette belle association?
FIGARO: Combien me donnâtes-vous pour la tirer des mains du docteur? Tenez, Monseigneur, n'humilions pas l'homme qui nous sert bien, crainte d'en faire un mauvais valet.
LE COMTE: Pourquoi faut-il qu'il y ait toujours du louche en ce que tu fais?
FIGARO: C'est qu'on en voit partout quand on cherche des torts.
LE COMTE: Une réputation détestable!
FIGARO: Et si je vaux mieux qu'elle? y a-t-il beaucoup de seigneurs qui puissent en dire autant?
LE COMTE: Cent fois je t'ai vu marcher à la fortune et jamais aller droit.
FIGARO: Comment voulez-vous? la foule est là: chacun veut courir, on se presse, on pousse, on coudoie, on renverse, arrive qui peut; le reste est écrasé. Aussi c'est fait; pour moi j'y renonce.
LE COMTE: A la fortune? (A part.) Voici du neuf.
FIGARO (A part.): À mon tour maintenant. (Haut.) Votre Excellence m'a gratifié de la conciergerie du château; c'est un fort joli sort; à la vérité je ne serai pas le courrier étrenné des nouvelles intéressantes; mais en revanche, heureux avec ma femme au fond de l'Andalousie...
LE COMTE: Qui t'empêcherait de l'emmener à Londres?
FIGARO: Il faudrait la quitter si souvent que j'aurais bientôt du mariage par-dessus la tête.
LE COMTE: Avec du caractère et de l'esprit, tu pourrais un jour t'avancer dans les bureaux.
FIGARO: De l'esprit pour s'avancer? Monseigneur se rit du mien. Médiocre et rampant; et l'on arrive à tout.
LE COMTE: ... Il ne faudrait qu'étudier un peu sous moi la politique.
FIGARO: Je la sais.
LE COMTE: Comme l'anglais, le fond de la langue!
FIGARO: Oui, s'il y avait de quoi se vanter. Mais, feindre d'ignorer ce qu'on sait, de savoir tout ce qu'on ignore, d'entendre ce qu'on ne comprend pas, de ne point ouïr ce qu'on entend, surtout de pouvoir au-delà de ses forces; avoir souvent pour grand secret de cacher qu'il n'y en a point; s'enfermer pour tailler des plumes, et paraître profond, quand on n'est, comme on dit, que vide et creux; jouer bien ou mal un personnage; répandre des espions et pensionner des traîtres; amollir des cachets; intercepter des lettres; et tâcher d'ennoblir la pauvreté des moyens par l'importance des objets. Voilà toute la politique, ou je meure!
LE COMTE: Eh! c'est l'intrigue que tu définis !
FIGARO: La politique, l'intrigue, volontiers mais, comme je les crois un peu germaines, en fasse qui voudra. "J'aime mieux ma mie, ô gué! " comme dit la chanson du bon roi.
LE COMTE, à part: Il veut rester. J'entends... Suzanne m'a trahi.
FIGARO, à part: Je l'enfile et le paye en sa monnaie.
LE COMTE: Ainsi tu espères gagner ton procès contre Marceline?
FIGARO: Me feriez-vous un crime de refuser une vieille fille, quand Votre Excellence se permet de nous souffler toutes les jeunes?
LE COMTE, raillant: Au tribunal, le magistrat s'oublie, et ne voit plus que l'ordonnance.
FIGARO: Indulgente aux grands, dure aux petits...
LE COMTE: Crois-tu donc que je plaisante?
FIGARO: Eh! qui le sait, Monseigneur? Tempo è galant 'uomo dit l'italien; il dit toujours la vérité; c'est lui qui m'apprendra qui me veut du mal, ou du bien.
LE COMTE, à part: Je vois qu'on lui a tout dit; il épousera la duègne.
FIGARO, à part: Il a joué au fin avec moi; qu'a-t-il appris?
venerdì 16 febbraio 2007
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