http://mael.monnier.free.fr/bac_francais/etranger/index.htm
Un site pour reviser SARTRE (Les Mots)
http://aviquesnel.free.fr/Direlire/sartre.htm
DOCUMENT AUDIO:"SARTRE ET LE GARçON DE CAFE?"
http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/articles.php?lng=fr&pg=1498
LES MOTS présentation
- Le récit autobiographique de Jean-Paul Sartre intitulé Les Mots paraît en 1964. Sartre y raconte son enfance, non avec la complaisance qu'étalent souvent les souvenirs d'enfance, mais au contraire avec esprit critique et ironie. Il démystifie l'attendrissement dont beaucoup entourent cette époque de la vie, en affirmant : "J'étais un enfant, ce monstre [que les adultes] fabriquent avec leurs regrets."
- Le livre est divisé en deux parties : "Lire", "Ecrire". En effet, l'apprentissage de la lecture et de l'écriture ont été les deux événements les plus marquants pour l'enfant imaginatif et solitaire que fut Jean-Paul Sartre. Son enfance s'est déroulée parmi des adultes.
- Son père était mort alors qu'il n'avait qu'un an, et sa mère, une très jeune femme, était revenue chez ses parents, Charles et Louise Schweitzer. Charles Schweitzer, un Alsacien, enseignait le français aux étrangers, surtout aux Allemands, à Paris. C'était un vieillard majestueux, à la longue barbe blanche, qui, très comédien, jouait les pères nobles tout en déployant avec ostentation beaucoup d'affection pour son petit-fils. Devant cette affectation dans la tendresse, l'enfant devient à son tour comédien, "joue à être sage". Enfant unique, il est choyé par tous, rendu surtout soucieux de plaire et de "bouffonner", ce qui, dit-il, est le sort de tous les enfants bourgeois. La découverte de la lecture lui donne une passion sincère, bien qu'encouragée par l'admiration extasiée de son entourage devant son zèle. Il lit pêle-mêle les classiques de la bibliothèque de son grand-père et les illustrés pour enfants qu'il préfère en secret. A cette époque, à cause de la jeunesse de sa mère, soumise à l'autorité de ses parents, il l'aime plutôt comme une sœur que comme une mère. Il dit avoir gardé une préférence pour ce lien entre frère et sœur ; on rencontre en effet plusieurs fois dans son œuvre un frère et une sœur étroitement liés : Ivich et Boris dans les Chemins de la liberté, Oreste et Electre dans les Mouches, Franz et Leni dans les Séquestrés d'Altona.
- Après la lecture, Sartre découvre l'écriture : dès qu'il sait écrire et avant même de connaître l'orthographe, il se met à rédiger de longs récits d'aventure, inspirés par ses illustrés favoris. Il s'amuse peu à peu à les corser d'épisodes héroïques ou effrayants de son invention. Bien qu'il y ait dans toute cette activité littéraire enfantine beaucoup de comédie destinée à son entourage, ces occupations échappent au fond à la comédie par la passion exclusive que Sartre y met, sans aucun rapport avec la complaisance sans sincérité de sa famille. Très entouré par elle, Sartre manque par contre de camarades de son âge, qu'il ne trouve que quand, de façon tardive, il va régulièrement à l'école.
- Dans tout ce récit, Sartre évoque avec une ironie impitoyable, bien que sans rancœur, ce qui a fait de lui un "enfant truqué", en même temps qu'il met en lumière la vigueur et la précocité de l'activité mentale qui lui a permis d'échapper par l'imagination à ce cadre étroit et artificiel. Son écriture, au contraire de la plupart de ses autres livres, est ici étincelante : rapide, incisive, colorée, vraiment d'un classique.
- (http://www.ac-strasbourg.fr/pedago/lettres/lecture/Motspresent.htm)
Rien ne me troublait plus que de voir mes pattes de mouche échanger peu à peu leur luisance de feux follets contre la terne consistance de la matière : c'était la réalisation de l'imaginaire. Pris au piège de la nomination, un lion, un capitaine du Second Empire, un Bédouin s'introduisaient dans la salle à manger ; ils y demeureraient à jamais captifs, incorporés par les signes ; je crus avoir ancré mes rêves dans le monde par les grattements d'un bec d'acier. Je me fis donner un cahier, une bouteille d'encre violette, j'inscrivis sur la couverture : « Cahier de romans ». Le premier que je menai à bout, je l'intitulai : « Pour un papillon ». Un savant, sa fille, un jeune explorateur athlétique remontaient le cours de l'Amazone en quête d'un papillon précieux. L'argument, les personnages, le détail des aventures, le titre même, j'avais tout emprunté à un récit en images paru le trimestre précédent. Ce plagiat délibéré me délivrait de mes dernières inquiétudes : tout était forcément vrai puisque je n'inventais rien. Je n'ambitionnais pas d'être publié mais je m'étais arrangé pour qu'on m'eût imprimé d'avance et je ne traçais pas une ligne que mon modèle ne cautionnât. Me tenais-je pour un copiste ? Non. Mais pour un auteur original : je retouchais, je rajeunissais ; par exemple, j'avais pris soin de changer les noms des personnages. Ces légères altérations m'autorisaient à confondre la mémoire et l'imagination. Neuves et tout écrites, des phrases se reformaient dans ma tête avec l'implacable sûreté qu'on prête à l'inspiration. Je les transcrivais, elles prenaient sous mes yeux la densité des choses. Si l'auteur inspiré, comme on croit communément, est autre que soi au plus profond de soi-même, j'ai connu l'inspiration entre sept et huit ans.
Je ne fus jamais tout à fait dupe de cette «écriture automatique». Mais le jeu me plaisait aussi pour lui-même : fils unique, je pouvais y jouer seul. Par moments, j'arrêtais ma main, je feignais d'hésiter pour me sentir, front sourcilleux, regard halluciné, un écrivain. J'adorais le plagiat, d'ailleurs, par snobisme et je le poussais délibérément à l'extrême comme on va voir.
Boussenard et Jules Verne ne perdent pas une occasion d'instruire : aux instants les plus critiques, ils coupent le fil du récit pour se lancer dans la description d'une plante vénéneuse, d'un habitant indigène. Lecteur, je sautais ces passages didactiques ; auteur, j'en bourrai mes romans ; je prétendis enseigner à mes contemporains tout ce que j'ignorais : les moeurs des Fuégiens, le flore africaine, le climat du désert. Séparés par un coup du sort puis embarqués sans le savoir sur le même navire et victimes du même naufrage, le collectionneur de papillons et sa fille s'accrochaient à la même bouée, levaient la tête, chacun jetait un cri : « Daisy ! », « Papa ! ». Hélas un squale rodait en quête de chair fraîche, il s'approchait, son ventre brillait entre les vagues. Les malheureux échapperaient-ils à la mort ? J'allais chercher le tome « Pr-Z » du Grand Larousse, je le portais péniblement jusqu'à mon pupitre, l'ouvrais à la bonne page et copiais mot pour mot en passant à la ligne : « Les requins sont communs dans l'Atlantique tropical. Ces grans poissons de mer très voraces atteignent jusqu'à treize mètres de long et pèsent jusqu'à huit tonnes... » Je prenais tout mon temps pour transcrire l'article : je me sentais délicieusement ennuyeux, aussi distingué que Boussenard et, n'ayant pas encore trouvé le moyen de sauver mes héros, je mijotais dans des transes exquises.
Travail à faire à la maison :
2/ Repérez les termes faisant référence à l'acte d'écrire ainsi qu'à la littérature, et classez-les pour faire apparaître les différents aspects de l'écriture abordés dans le texte. Pouvez-vous observer une relation entre ces différents aspects et la structure du texte (nombre et disposition des paragraphes) ?
3/ A partir du classement établi dans la question précédente, énumérez, en les reformulant, les différents problèmes rencontrés par celui qui écrit.
4/ Jean-Paul Sartre se contente-t-il ici d'être un narrateur qui raconte ? Répondez à partir d'indices précis empruntés au texte et identifiés.
5/ Quels sont les rôles du dernier paragraphe ?
Le narrateur, dans un premier temps, laisse déborder son imagination et voit des personnages irréels : « s'introduisaient dans la salle à manger ».
Les indices grammaticaux "je" et "me" permettent au lecteur de penser que le texte a été vécu, non seulement par le narrateur mais également par l'auteur.
« pattes de mouche » est une métaphore pour parler de l'écriture, « un bec d'acier » est une métaphore qui se rapporte à la plume.
L'écriture devient lumière par l'imagination. Dans ce passage, les signes (lettres) deviennent sens.
Après son premier effort sur l'imagination où il fait le parallèle entre la fiction et la réalité, l'auteur met ses rêves en mots. Le cahier est le passage du songe à l'écrit. Le premier effort d'imagination de l'auteur-narrateur est un plagiat, une copie. Le narrateur a l'impression qu'en copiant, tout ce qu'il va écrire va être cautionné par le recopiage même d'un texte publié. Ici on touche au problème et à la place de l'invention dans l'écriture.
« Mais pour un auteur original : je retouchais, je rajeunissais ; par exemple, j'avais pris soin de changer les noms des personnages. » : ce passage évoque la transformation d'un texte. Le narrateur est, d'après lui, un "auteur original" grâce à quelques retouches personnelles.
« Ces légères altérations m'autorisaient à confondre la mémoire et l'imagination. » : le narrateur a conscience de faire exprès de confondre ce qu'il a déjà lu et ce qu'il est en train de "créer".
Dans le texte, Jean-Paul Sartre emploie le mot "inspiration" (qui signifie "souffle divin") avec une certaine ironie puisque en fait il recopie.
Les mots "imagination", "invention", "inspiration" appartiennent au champ lexical de l'écriture.
« Autre que soi au plus profond de soi-même » : le narrateur pense que l'écriture sous-entend un double qui ressortirait dans l'état de transe qui est pour lui l'inspiration.
Le narrateur joue à l'écrivain. (cf. « dupe » « jeu ») Il a envie de ressembler à un écrivain et il imite l'écrivain.
L'« écriture automatique est un terme surréaliste ».
« Lecteur, je sautais ces passages didactiques ; auteur, j'en bourrai mes romans » : Lorsque l'auteur se positionne en tant que lecteur, les descriptions constituent pour lui un ennui, mais ces mêmes descriptions cautionnent pour lui les bons auteurs, donc, auteur, il en rajoute. Le narrateur fait un mélange de pseudo-invention et d'un savoir qu'il n'a pas. Il va chercher ce savoir dans le Grand Larousse. Notons la présence d'une antithèse lorsqu'il se sent « délicieusement ennuyeux » : il y a donc contradiction. Voulant être un écrivain à part entière, il fait comme tous ceux qu'il a lus jusqu'alors.
Sartre est un écrivain lorsqu'il publie Les Mots en 1964, et il raconte dans cette oeuvre lui même tentant de devenir écrivain.
Travail à faire à la maison :
A la manière de Jean-Paul Sartre enfant imitant des auteurs d'aventures, racontez un épisode d'aventure que vous interromprez par une digression informative empruntée à un dictionnaire.
http://membres.lycos.fr/coursdeseconde/lesmotssartre.html
EN BREF....
"Les Mots" retrace le passage de la lecture à l'écriture; ici, premières tentatives enfantines.
L'écriture naissante:
Ø Dénotations de l’acte d'écrire: le choix des verbes, "la nomination", les occurences de l'auteur;
Ø Les instruments pour écrire ("plume", "encre", etc.);
Ø le contenu: "romans", "personnages", "titre", etc.).
Les mots permettent d’évoquer différentes fonctions de l'écriture:
» « ...je crus avoir ancré mes rêves dans le monde par les grattements d'un bec d'acier.» |
Ø les "mots" qui traduisent les "choses" ("terne consistance", "réalisation de l'imaginaire", etc.;
Ø les mots qui font exister la fiction (dans la salle à manger, "tout était... vrai", la "matière", etc.)
L’auteur trouve ici l’occasion d’exprimer sa propre prise de conscience des problèmes liés à l'écriture (repérer les mots clés dans le texte):
Ø le perceptible/l'imaginaire;
Ø l'invention/l'imitation.
Un texte composé des principales constantes de l'écriture autobiographique:
Ø la 1ère personne;
Ø le décalage temporel (récit au passé)
Ø le regard de l'adulte
Autres pistes possibles :
Ø Une fascination de l'auteur pour le pouvoir des mots chez l'enfant ;
Ø Le problème de la reconstitution "a posteriori"
http://site.voila.fr/jmglettres/sartre/lesmots.htm
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