lunedì 18 giugno 2007

Albert Camus : L'Étranger

TEXTE AUDIO :

http://flenet.rediris.es/videos/textes2.html





Texte étudié: Chapitre I : L'incipit : « Aujourd'hui, maman est morte ... pour n'avoir plus à parler.

Etude de l'incipit : « Aujourd'hui, maman est morte ... pour n'avoir plus à parler. »
I. L'originalité de ce début de roman
Traitement du temps : Pas de moments antérieurs à l'histoire, le passé est dans le flou. On n'a pas vraiment d'avant. Par exemple, on annonce l'enterrement de sa mère mais on ne sait pas de quoi elle est morte. L'avenir va jusqu'à demain voire après-demain, il est extrêmement limité. On a le sentiment d'une quasi-simultanéité de la narration et de son contenu. Meursault raconte les faits les uns après les autres comme dans un journal, le récit est chronologique.
Traitement des lieux : C'est nous lecteur qui supposons qu'on est à Alger (l. 8). Le paysage est complètement gommé, on a l'impression qu'on se déplace sur une ligne géométrique. C'est purement narratif.
Traitement des personnages : On n'a aucune description, aucun portrait de son patron. Le restaurateur et Emmanuel ne sont pas décris non plus. Camus a écrit sobrement, sans aucun portrait psychologique.
Le point de vue : La situation narrative est celle de la focalisation interne : la perception de l'univers du récit se fait par le regard ou la conscience de Meursault. Le narrateur ne rapporte que ce que voit le personnage-témoin, et ainsi personnage et narrateur se confondent. Les « je » sont prédominents au fil du récit et, comme dans un discours, on a l'utilisation de « aujourd'hui », « hier », « demain », « après-demain », « pour le moment »qui nous situent par rapport à Meursault, le narrateur aurait très bien pu employer des expressions comme ce jour-là, la veille, le lendemain ou le surlendemain. Les temps utilisés sont le futur, l'imparfait et le passé composé, temps qui se situent par rapport au temps du personnage, ceci montre que l'on colle pratiquement à l'histoire, le temps de la narration est tout près du temps de l'histoire. Meursault n'a donc pas beaucoup de recul par rapport à l'histoire, celà lui permet de ne pas faire part de ses sentiments mais uniquement des évènements, de ses pensées, de ses sensations qui à divers moments occupent sa conscience. On épouse le point de vue du narrateur.

II. Qui est cet homme ?
Meursault marque un extrême détachement à l'égard de la mort de sa mère. L'expression du télégramme est l'expression de ce détachement. Lorque l'on est avant l'enterrement de sa mère, c'est comme si elle n'était pas morte pour lui, Meursault semble ne pas en prendre conscience. Ce qui frappe ensuite, c'est que Meursault fait de l'enterrement une simple formalité : « Après l'enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle. » Le deuil se fera par l'aspect extérieur, c'est-à-dire par son habillement. Cette mort peut passer pour une raison valable de prendre des congés : « excuse pareille ». Quelque part, c'est comme si cette mort était de la faute à Meursault. On a l'impression que la mort n'est pas grand chose pour lui, que cette mort est vécue comme un accident qui dérange le cours des choses : Meursault a recours au calcul pour préparer son voyage. Dans tout son récit, on n'a aucune marque du champ lexical de l'affection, donc pas de chagrin de la part de Meursault. Le seul terme utilisé est dit chez Céleste : « Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi », la seule compassion vient de l'entourage de Meursault, qui a choisi de dire les choses telles qu'il les a vécues. Ses sensations l'emportent sur ses sentiments : Meursault est plus sensible à ce que produit le voyage sur ses sens qu'à l'émotion de la perte de sa mère. Cet état d'abscence est lié à des évènements ponctuels qu'il vit. Ce personnage est étranger à des sentiments, à une émotion, qui vit dans la solitude et qui refuse la communication, il répond par monosyllabes : « J'ai dit "oui" pour n'avoir plus à parler ». Mais ce n'est pas un personnage blamable pour autant : il fait ce qu'il faut à l'égard de sa mère, ce n'est pas de la provocation, c'est dans son être.

voir:http://mael.monnier.free.fr/bac_francais/etranger/

. La technique narrative
Le récit est à la première personne, ce qui marque la place prédominante du narrateur. L'écrit est au passé composé. Le narrateur raconte de façon sobre les évènements, le discours est rapporté de façon indirecte, cela laisse la place au narrateur, lui laisse le droit de ne rapporter que l'essentiel. Au fil du roman, on va passer du journal au récit. Dans la première partie, la chronologie est assez précise, on va de jour en jour, ou éventuellement, de semaine en semaine. Episode après épisode, Meursault raconte ce qu'il a fait, il n'a pas beaucoup de recul, on n'a pas d'allusions à l'avenir et peu de retours en arrière. On se situe peu de temps après ce qui s'est passé. Dans la deuxième partie, et même à partir du chapitre 6 de la première partie, le narrateur se situe plutôt après. Il a le temps de prendre conscience de ce basculement. Entre la dernière visite de l'aumônier et son exécution, il est situé « cinq mois » après le moment où ont eu lieu les évènements.
Qu'est-ce qui va changer ? La chronologie se dilue, les évènements se succèdent certes, mais la chronologie a des intervalles plus long, elle est plus diluée, le temps est moins marqué. En prison, on perd la notion de temps, il dit même qu'il est sans repères durant son séjour. En fait, les temps vont êtres comme mélangés (voir p. 113), le « plus tard » nous renvoie à un après, puis il fait un retour en arrière puis il avance, avance encore, puis il revient à nouveau en arrière. Dans la première partie, les évènements étaient dans l'ordre. Ici, le narrateur est plus loin dans le temps, il fait une synthèse, il a plus de recul sur sa vie dans cette partie parce qu'il prend conscience de l'absurde, de qui il est et de ce qu'est la société. C'est proposer une réflexion sur les évènements qui l'intéresse. Il confronte les évènements pour faire le point sur lui-même. On a deux regards de Meursault : ici, il procède à une analyse de la société, or au chapitre I de la première partie, on n'avait aucune description des personnages, aucun regard sur l'extérieur, et il développe son regard sur lui-même, sur ses réflexions en prison, il va classer ces observations. A la page 120 : Meursault va parler des femmes, de la difficulté d'en être séparé, puis il développera sur les cigarettes puis sur la façon de tuer le temps en prison puis sur le sommeil. Plus loin dans le roman, il va nous montrer ses sentiments d'angoisse à l'approche du matin et il nous fait part de son espoir. Le personnage prend une certaine profondeur : pages de lyrisme (ex : dans la plaidoierie de l'avocat, il utilise des images qui exprime déjà une analyse du personnage par lui-même.) En fait, le personnage est davantage développé, on développe en même temps plus sur l'absurde. Dans la seconde partie du roman, Meursault est comme retranché de la vie, il sort du corset du temps, pour lui le temps s'est en effet arrêté et dans cette partie, on analyse plus sur ce qu'est un homme absurde.


II. Le cheminement de Meursault vers la découverte de l'absurde.


Initialement, Meursault vivait la routine de la vie, la répétitivité des choses, il vivait en étant indifférent au monde et en vivant des sensations élémentaires. Il ne se faisait pas d'allusions sur les valeurs consacrées comme la mort, le mariage, l'honnêteté. Au fond, il se comportait comme si la vie n'avait pas de sens, il était en-dehors d'une morale, comme si il n'y avait pas de références. Il n'avait pas pris conscience de l'absurde tout en vivant dedans. Il était prisonnier du meurtre.
Tout commence, dans la mesure où Meursault découvre l'absurdité de son rapport avec le monde lors du procès. Au fond, il découvre le lot de tout homme, c'est-à-dire qu'il est condamné à mort (voir p. 184). Cette réflexion intervient après le rejet violent par Meursault de l'hypothèse religieuse et après le rejet d'un espoir chimérique. Or Camus face à ce non-sens du monde refuse un certain nombre de réponses comme l'hypothèse religieuse qui consiste en l'idée que l'homme est voulu et guidé par Dieu et que tous les actes ont un sens pour la vie éternelle, Meursault, comme Camus, rejette cette hypothèse. Il nous dit à la page 183, qu'il est habité par la certitude que la mort signe le non-sens de la vie. Il est à un moment où il est face à face avec son destin, où il n'a plus d'espoir. Cette certitude souligne « cette confrontation entre l'appel humain (le désir de vie) et le silence déraisonnable du monde (ce que Meursault appelle "la tendre indifférence du monde" (p. 186) ) » (Camus). Selon Meursault, cette confrontation constitue l'absurde, le monde ne répond pas au sens de la présence de l'homme, il reste un mystère. On rappelle que nous sommes tous appelés à mourir. Les pages 185-186 nous montrent qu'il n'a plus d'espoir : « je m'ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. ... », Meursault a perdu toute illusion avec la vie. La fin du roman est paradoxale. Le fruit de l'absurde est cette solitude.
En 1937, Camus a écrit L'Envers et l'Endroit où « l'Envers » exprime l'angoisse devant la simplicité et l'étrangeté du monde, on n'a pas de prises sur le monde, on possède une autonomie qui nous échappe, « l'Endroit » lui symbolyse l'émerveillement et l'acceptation du monde et quelque part, Meursault passe de l'un à l'autre à la fin du roman, il a les deux sentiments. Camus, également, il disait en effet qu'il ne voulait pas choisir : « Je ne veux pas choisir », « Il n'y a pas d'amour de vivre sans désespoir de vivre ». On peut dire que La Peste va compléter L'Étranger par une attitude de combat et de révolte.
Devant un coucher de soleil, qui est quelquechose d'extérieur, de beau et d'éphémère, on se demande en vain la raison de son existence. Pour y répondre, on a l'hypothèse religieuse, des idéologies comme le marxisme. Ici, on a la constation en même temps de « l'Envers » et de « l'Endroit ». Comme dans Le Mythe de Sisyphe, Meursault a perdu des raisons de vivre. Face à cette découverte de l'absurde, le monde ne va pas répondre. L'homme peut trouver l'appel d'autres hommes : la solidarité, « l'Endroit », on a plus de choses à admirer ensemble, que l'on trouve dans La Peste où les hommes s'unissent pour lutter contre ce fléau, l'Envers, c'est la solitude. « Je me révolte, donc nous sommes. » (Camus) : Meursault n'en est pas encore arrivé là, il ne fait que découvrir l'absurde.
Pourquoi Meursault ne parle pas ? parce qu'il se révèle : il est incapable d'exprimer par la parole ce qu'il est véritablement. On a un exemple miroir dans l'article de journal que Meursault trouve dans sa cellule : « Un homme était parti d'un village tchèque pour faire fortune. Au bout de vingt-cinq ans, riche, il était revenu avec une femme et un enfant. Sa mère tenait un hôtel avec sa soeur dans son village natal. Pour les surprendre, il avait laissé sa femme et son enfant dans un autre établissement, était allé chez sa mère qui ne l'avait pas reconnu quand il était entré. Par plaisanterie, il avait eu l'idée de prendre une chambre. Il avait montré son argent. Dans la nuit, sa mère et sa soeur l'avaient assassiné à coups de marteau pour le voler et avaient jeté son corps dans la rivière. Le matin, la femme était venue, avait révélé sans le savoir l'identité du voyageur. La mère s'était pendue. La soeur s'était jetée dans un puits. ». Cette anecdote fait un peu mythique, il y a quelque chose d'absurde : l'homme n'a pas dit qui il était, il est un peu comme Meursault, cela fausse les rapports humains. Meursault est comme Grand dans La Peste qui est bloqué à la première phrase de son roman. La société veut que l'on parle et condamne Meursault parce qu'il se tait, elle invente un autre Meursault. Dans ce monde d'idéologies, il faut parler pour se faire entendre même si la parole est ambigue. Celui qui refuse la voie de facilité d'épouser un langage convenu, il est condamné. Camus est quelqu'un qui n'a jamais voulu s'enfoncer dans une idéologie : « les vrais artistes ne méprisent rien, ils s'obligent à comprendre au lieu de juger » dit Camus lors de son discours de Suède, lors de son prix Nobel.

Camus et l'absurde


« Un jour vient [...] et l'homme constate ou dit qu'il a trente ans. Il affime ainsi sa jeunesse. Mais du même coup, il se situe par rapport au temps. [...] Il appartient au temps et, à cette horreur qui le saisit, il y reconnaît son pire ennemi. Demain, il souhaitait demain, quand tout lui-même aurait dû s'y refuser. Cette révolte de la chair, c'est l'absurde ».
Bien qu'apparenté dans une certaine mesure à l'existentialisme, Albert Camus s'en est assez nettement séparé pour attacher son nom à une doctrine personnelle, la philosophie de l'absurde. Définie dans Le Mythe de Sisyphe, essai sur l'absurde (1942), reprise dans L'Etranger (1942), puis au théâtre dans Caligula et Le Malentendu (1944), elle se retrouve à travers une évolution sensible de sa pensée, jusque dans La Peste (1947). Il importe, pour lever toute équivoque, d'étudier cette philosophie dans Le Mythe de Sisyphe et de préciser la signification de termes comme l'absurde, l'homme absurde, la révolte, la liberté, la passion qui, sous la plume de Camus, ont une résonance particulière.
Le non-sens de la vie
La vie vaut-elle d'être vécue ? Pour la plupart des hommes, vivre se ramène à « faire les gestes que l'habitude commande ». Mais le suicide soulève la question fondamentale du sens de la vie : « Mourir volontairement suppose qu'on a reconnu, même instinctivement, le caractère dérisoire de cette habitude, l'abscence de toute raison profonde de vivre, le caractère insensé de cette agitation quotidienne et l'inutilité de la souffrance ».


I. Le sentiment de l'absurde.


Pareille prise de conscience est rare, personnelle et incommunicable. Elle peut surgir de la « nausée » qu'inspire le caractère machinal de l'existence sans but : « Il arrive que les décors s'écroulent. Lever, tramway, quatre heures de bureau ou d'usine, repas, tramway, quatre heures de travail, repas, sommeil et lundi mardi mercredi jeudi vendredi et samedi sur le même rythme, cette route se suit aisément la plupart du temps. Un jour seulement, le « pourquoi » s'élève et tout commence dans cette lassitude teintée d'écœurement ». Cette découverte peut naître du sentiment de l'étrangeté de la nature, de l'hostilité primitive du monde auquel on se sent tout à coup étranger. Ou encore de l'idée que tous les jours d'une vie sans éclat sont stupidement subordonnés au lendemain, alors que le temps qui conduit à l'anéantissement de nos efforts est notre pire ennemi. Enfin, c'est surtout la certitude de la mort, ce « côté élémentaire et définitif de l'aventure » qui nous en révèle l'absurdité : « Sous l'éclairage mortel de cette destinée, l'inutilité apparaît. Aucune morale, aucun effort ne sont a priori justifiables devant les sanglantes mathématiques de notre condition ». D'ailleurs l'intelligence, reconnaissant son inaptitude à comprendre le monde, nous dit aussi à sa manière que ce monde est absurde, ou plutôt « peuplé d'irrationnels ».


II. Définition de l'absurde


En fait, ce n'est pas le monde qui est absurde mais la confrontation de son caractère irrationnel et de ce désir éperdu de clarté dont l'appel résonne au plus profond de l'homme. Ainsi l'absurde n'est ni dans l'homme ni dans le monde, mais dans leur présence commune. Il naît de leur antinomie. « Il est pour le moment leur seul lien. Il les scelle l'un à l'autre comme la haine seule peut river les êtres... L'irrationnel, la nostalgie humaine et l'absurde qui surgit de leur tête-à-tête, voilà les trois personnages du drame qui doit nécessairement finir avec toute la logique dont une existence est capable ».
L'homme absurde
Si cette notion d'absurde est essentielle, si elle est la première de nos vérités, toute solution du drame doit la préserver. Camus récuse donc les attitudes d'évasion qui consisteraient à escamoter l'un ou l'autre terme : d'une part le suicide, qui est la suppression de la conscience ; d'autre part les doctrines situant hors de ce monde les raisons et les espérances qui donneraient un sens à la vie, c'est-à-dire soit la croyance religieuse soit ce qu'il appelle le « suicide philosophique des existentialistes » (Jaspers, Chestov, Kierkegaard) qui, par diverses voies, divinisent l'irrationnel ou, faisant de l'absurde le critère de l'autre monde, le transforment en « tremplin d'éternité ». Au contraire, seul donne au drame sa solution logique celui qui décide de vivre seulement avec ce qu'il sait, c'est-à-dire avec la conscience de l'affrontement sans espoir entre l'esprit et le monde.« Je tire de l'absurde, dit Camus, trois conséquences qui sont ma révolte, ma liberté, ma passion. Par le seul jeu de ma conscience, je transforme en règle de vie ce qui était invitation à la mort - et je refuse le suicide ». Ainsi se définit l'attitude de « l'homme absurde ».


I. Le défi


« Vivre une expérience, un destin, c'est l'accepter pleinement. Or on ne vivra pas ce destin, le sachant absurde, si on ne fait pas tout pour maintenir devant soi cet absurde mis à jour par la conscience... Vivre, c'est faire vivre l'absurde. Le faire vivre, c'est avant tout le regarder... L'une des seules positions philosophiques cohérentes, c'est ainsi la révolte. Elle est un confrontement perpétuel de l'homme et de sa propre obscurité. Elle remet le monde en question à chacune de ses secondes... Elle n'est pas aspiration, elle est sans espoir. Cette révolte n'est que l'assurance d'un destin écrasant, moins la résignation qui devrait l'accompagner ». C'est ainsi que Camus oppose à l'esprit du suicidé (qui, d'une certaine façon, consent à l'absurde) celui du condamné à mort qui est en même temps conscience et refus de la mort (voir épilogue de L'Etranger). Selon lui c'est cette révolte qui confère à la vie son prix et sa grandeur, exalte l'intelligence et l'orgueil de l'homme aux prises avec une réalité qui le dépasse, et l'invite à tout épuiser et à s'épuiser, car il sait que « dans cette conscience et dans cette révolte au jour le jour, il témoigne de sa seule vérité qui est le défi ».


II. La liberté


L'homme absurde laisse de côté le problème de « la liberté en soi » qui n'aurait de sens qu'en relation avec la croyance en Dieu ; il ne peut éprouver que sa propre liberté d'esprit ou d'action. Jusqu'à la rencontre de l'absurde, il avait l'illusion d'être libre mais était esclave de l'habitude ou des préjugés qui ne donnaient à sa vie qu'un semblant de but et de valeur. La découverte de l'absurde lui permet de tout voir d'un regard neuf : il est profondément libre à partir du moment où il connaît lucidement sa condition sans espoir et sans lendemain. Il se sent alors délié des règles communes et apprend à vivre « sans appel ».


III. La passion


Vivre dans un univers absurde consistera à multiplier avec passion les expériences lucides, pour « être en face du monde le plus souvent possible ». Montaigne insistait sur la qualité des expériences qu'on accroît en y associant son âme ; Camus insiste sur leur quantité, car leur qualité découle de notre présence au monde en pleine conscience : « Sentir sa vie, sa révolte, sa liberté, et le plus possible, c'est vivre et le plus possible. Là où la lucidité règne, l'échelle des valeurs devient inutile... Le présent et la succession des présents devant une âme sans cesse consciente, c'est l'idéal de l'homme absurde ».
« Tout est permis » s'écriait Ivan Karamazov. Toutefois, Camus note que ce cri comporte plus d'amertume que de joie, car il n'y a plus de valeurs consacrées pour orienter notre choix ; « l'absurde, dit-il, ne délivre pas, il lie. Il n'autorise pas tous les actes. Tout est permis ne signifie pas que rien n'est défendu. L'absurde rend seulement leur équivalence aux conséquences de ces actes. Il ne recommande pas le crime, ce serait puéril, mais il restitue au remords son inutilité. De même, si toutes les expériences sont indifférentes, celle du devoir est aussi légitime qu'une autre. » C'est justement dans le champ des possibles et avec ces limites que s'exerce la liberté de l'homme absurde : les conséquences de ses actes sont simplement ce qu'il faut payer et il y est prêt. L'homme est sa propre fin et il est sa seule fin, mais parmi ses actes il en est qui servent ou desservent l'humanité, et c'est dans le sens de cet humanisme que va évoluer la pensée de Camus.

venerdì 15 giugno 2007

Quelques extraits tirés de “l’essai sur l’origine des langues”, où Rousseau évoque aussi le rapport entre la musique et le langage parlé.

Un élève, FRANCESCO FATTORINI,musicien, se pose des questions sur "l'origine de la musique" et "cherche" quelques réponses dans les mots de Rousseau. Voilà les extraits que Francesco nous propose après sa recherche ..


Quelques extraits tirés de “L’essai sur l’origine des langues”, où Rousseau évoque aussi le rapport entre la musique et le langage parlé.

CHAPITRE II
Que la première invention de la parole ne vint pas des besoins mais des passions

[...] De cela seul il suit avec évidence que l'origine des langues n'est point due aux premiers besoins des hommes ; il serait absurde que de la cause qui les écarte vint le moyen qui les unit. D'où peut donc venir cette origine? Des besoins moraux, des passions. Toutes les passions rapprochent les hommes que la nécessité de chercher à vivre force à se fuir. Ce n'est ni la faim ni la soif, mais l'amours la haine la pitié la colère qui leur ont arraché les premières voix. Les fruits ne se dérobent point à nos mains, on peut s'en nourrir sans parler, on poursuit en silence la proie dont on veut se repaître ; mais pour émouvoir un jeune coeur, pour repousser un agresseur injuste la nature dicte des accents, des cris, des plaintes : voilà les plus anciens mots inventées, et voilà pourquoi les premières langues furent chantantes et passionnées avant d'être simples et méthodiques.[...]

CHAPITRE III
Que le premier langage dut être figuré

Comme les premiers motifs qui firent parler l'homme furent des passions[...]

CHAPITRE XII
Origine de la musique

[...] Ainsi la cadence et les sons naissent avec les syllabes, la passion fait parler tous les organes, et pare la voix de tout leur éclat ; ainsi les vers, les chants, la parole ont une origine commune.[...] les retours périodiques et mesurés du rythme, les inflexions mélodieuses des accents firent naître la poésie et la musique avec la langue, ou plutôt tout cela n'était que la langue même pour ces heureux climats et ces heureux temps où les seuls besoins pressants qui demandaient le concours d'autrui étaient ceux que le coeur faisait naître.

CHAPITRE XIII
De la mélodie

L'homme est modifié par ses sens, personne n'en doute ; mais faute de distinguer les modifications nous en confondons les causes ; nous donnons trop et trop peu d'empire aux sensations ; nous ne voyons pas que souvent elles ne nous affectent point seulement comme sensations mais comme signes ou images, et que leurs effets moraux ont aussi des causes morales. Comme les sentiments qu'excite en nous la peinture ne viennent point des couleurs, l'empire que la musique a sur nos âmes n'est point l'ouvrage des sons.[...] Comme donc la peinture n'est pas l'art de combiner des couleurs d'une manière agréable à la vue, la musique n'est pas non plus l'art de combiner des sons d'une manière agréable à l'oreille.[...] C'est l'imitation seule qui les élève à ce rang.(= au niveau des beaux arts) Or qu'est-ce qui fait de la peinture un art d'imitation? C'est le dessein. Qu'est-ce qui de la musique en fait un autre? C'est la mélodie.


CHAPITRE XIIII
De l'harmonie
[...] La mélodie en imitant les inflexions de la voix exprime les plaintes, les cris de douleur ou de joie, les menaces, les gémissements ; tous les signes vocaux des passions sont de son ressort. Elle imite les accents des langues, et les tours affectés dans chaque idiome à certains mouvements de l'âme ; elle n'imite pas seulement, elle parle, et son langage inarticulé mais vif, ardent, passionné a cent fois plus d'énergie que la parole même. Voilà d'où naît la force des imitations musicales ; voilà d'où naît l'empire du chant sur les coeurs sensibles.[...] L'harmonie [...] elle lui (= à la mélodie) ôte l'énergie et l'expression, elle efface l'accent passionné pour y substituer l'intervalle harmonique, [...]en un mot, elle sépare tellement le chant de la parole que ces deux langages se combattent, se contrarient, s'ôtent mutuellement tout caractère de vérité et ne se peuvent réunir sans absurdité dans un sujet pathétique.[...].

Voilà l'analyse que Francesco a faite...

Je propose une clé de lecture des extraits, en mettant en évidence celles qui sont, à mon avis, les idées principales :
· La langue est née lorsque l’homme a senti l’exigence d’exprimer ses « passions », c’est-à-dire ses besoins moraux (« ...l’amour, la haine, la pitié, la colère [...] pour émovoir un jeune coeur, pour repousser un aggresseur injuste la nature dicte des accents, des cris, des plaintes... »). Cela signifie que les autres besoins physiques (la faime, le soif...) n’ont pas du tout contribué à la naissance de la langue : « les besoins dictèrent les premiers gestes, les passions arrachèrent les premières voix » (comme Rousseau l’ a dit ailleurs). Il faut aussi remarquer l’importance des « passions » : cela démontre que la pensée de Rousseau est déja insérée dans une optique romantique.
· La musique s’est devéloppée en imitant les inflexions « prosodiques » du langage parlé (chapitres XII et XIII) : la musique donc dérive de la langue, c’est-à-dire la musique a eu une origine « logo-génétique ». De plus, la catégorie de l’imitation définit l’essence et les fins de la musique pour Rousseau : « [...] c’est l’imitation seule qui les (= les sons) élève à ce rang (= celui de l’art) » (chapitre XII) ; cette définition, par contre, permet de considérer l’estéthique de Rousseau plus classique que romantique.
· La composante musicale qui a permis de réaliser le principe de l’imitation est la mélodie (monodique, évidemment). Cela signifie que la mélodie (exprimée par le chant) est l’élément musical le plus naturel et donc pour Rousseau, le plus important, l’idéal à atteindre. En effet il faut ne pas oublier le dualisme nature=étape idéale/ civilisation moderne=étape de dégénération que caractérise la pensée philosophique de Rousseau.
· L’importance attribuée à l’harmonie (la poliphonie), par les musiciens de l’époque à laquelle Rousseau appartient , c’est à réduire afin de favoriser la monodie. Exactement, la critique de Rousseau s’addresse à Rameau qui est parmi les musiciens les plus importantes de l’époque surtout en ce qui concerne la théorie musicale de l’harmonie. Pensez-y, il s’agit de théories si importantes que les jeunes musiciens (moi aussi !!) l’étudient meme à l’heure actuelle dans les conservatoires de musique..


Francesco Fattorini

mercoledì 16 maggio 2007

Résumé de: Mémoires d'ADRIEN"
Cette œuvre, qui est à la fois roman, histoire, poésie, a été saluée par la critique française et mondiale comme un événement littéraire. En imaginant les Mémoires d'un grand empereur romain, l'auteur a voulu « refaire du dedans ce que les archéologues du XIXe siècle ont fait du dehors ». Jugeant sans complaisance sa vie d'homme et son œuvre politique, Hadrien n'ignore pas que Rome, malgré sa grandeur, finira un jour par périr, mais son réalisme romain et son humanisme hérité des Grecs lui font sentir l'importance de penser et de servir jusqu'au bout.« ... Je me sentais responsable de la beauté du monde », dit ce héros dont les problèmes sont ceux de l'homme de tous les temps : les dangers mortels qui du dedans et du dehors confrontent les civilisations, la quête d'un accord harmonieux entre le bonheur et la « discipline auguste », entre l'intelligence et la volonté.


Marguerite Yourcenar (1903-1987)[Marguerite de Crayencour]
Mémoires d'Hadrien [1951]

quelques ... "perles"..

Il est difficile de rester empereur en présence d'un médecin, et difficile aussi de garder sa qualité d'homme. (page.11)

Je ne suis pas encore assez faible pour céder aux imaginations de la peur, presque aussi absurdes que celles de l'espérance, et assurément beaucoup plus pénibles... Je n'en suis pas moins arrivé à l'âge où la vie, pour chaque homme, est une défaite acceptée. (p.12)

Il n'est pas indispensable que le buveur abdique sa raison, mais l'amant qui garde la sienne n'obéit pas jusqu'au bout à son dieu. ..tout démarche sensuelle nous place en présence de l'Autre, nous implique dans les exigences et les servitudes du choix. (p.20)

Il me déplait qu'une créature croie pouvoir escompter mon désir, le prévoir, mécaniquement s'adapter à ce qu'elle suppose mon choix. (p.24)

L'homme qui ne dort pas, je n'ai depuis quelques mois que trop d'occasions de le constater sur moi-même, se refuse plus ou moins consciemment à faire confiance au flot des choses. (p.28)

Je m'accommoderais fort mal d'un monde sans livres, mais la réalité n'est pas là, parce qu'elle n'y tient pas tout entière. (p.31)

Je ne méprise pas les hommes. Si je le faisais, je n'aurais aucun droit, ni aucune raison, d'essayer de les gouverner. Je les sais vains, ignorants, avides, inquiets, capables de presque tout pour réussir, pour se faire valoir, même à leurs propres yeux, ou tout simplement pour éviter de souffrir. Je le sais : je suis comme eux, du moins par moments, ou j'aurais pu l'être. (p.51)

Notre grande erreur est d'essayer d'obtenir de chacun en particulier les vertus qu'il n'a pas, et de négliger de cultiver celles qu'ils possède. (p.51)

Presque tous méconnaissent également leur juste liberté et leur vraie servitude... Pour moi, j'ai cherché la liberté plus que la puissance, et la puissance seulement parce qu'en partie elle favorisait la liberté. (p.52)

Je cherchai d'abord une simple liberté de vacances, des moments libres. Toute vie bien réglée a les siens, et qui ne sait pas le provoquer ne sait pas vivre. (p.53)

J'ai compris que peu d'hommes se réalisent avant de mourir. (p.100)

C'est insulter les autres que de paraître dédaigner leurs joies. (p.119)

Quand on aura allégé le plus possible les servitudes inutiles, évité les malheurs non nécessaires, il restera toujours, pour tenir en haleine les vertus héroïques de l'homme, la longue série des maux véritables, la mort, la vieillesse, les maladies non guérissables, l'amour non partagé, l'amitié rejetée ou trahie, la médiocrité d'une vie moins vaste que nos projets et plus terne que nos songes: tous les malheurs causés par la divine nature des choses. (p.127)

Je doute que toute la philosophie du monde parvienne à supprimer l’esclavage : on en changera tout au plus le nom. (p.129)

Chaque homme à éternellement à choisir, au cours de sa vie brève, entre l'espoir infatigable et la sage absence d'espérance, entre les délices du chaos et celles de la stabilité, entre le Titan et l'Olympien. (p.151)

(Editions Gallimard. Collection Folio)

mercoledì 9 maggio 2007

Une très intéressante série d'activités sur:

http://www.form-a-com.org/article.php3?id_article=5
voir:
Zola et le naturalisme
1. Quelques éléments biographiques.Emile Zola est né à Paris en 1840. Son père est un ingénieur civil d'origine vénitienne. Sa famille s'installe à Aix-en-Provence en 1843. Emile y passe sa jeunesse. Son père meurt en 1847: c'est le début des difficultés financières pour la famille, qui s'installe de nouveau à Paris en 1858. L'année suivante, le jeune Zola abandonne ses études. Il travaille successivement à l'administration des docks et chez l'éditeur Hachette. A partir de 1868, il commence une carrière comme journaliste politique. Il se marie en 1870, mais à partir de 1887, il mène une double vie avec une maîtresse, qui lui donnera deux enfants.
Entre-temps, il s'est lié d'amitié avec le peintre Paul Cézanne et avec les grands écrivains de son époque tels que Guy de Maupassant, Gustave Flaubert, Alphonse Daudet, Stéphane Mallarmé et Ivan Tourgeniev. Il commence à publier des oeuvres littéraires à partir de 1860 par exemple, Contes à Ninon, une oeuvre d'inspiration romantique et Thérèse Raquin, un roman déjà influencé par le naturalisme. Vers 1868, Zola s'est lancé dans le cycle des Rougon-Macquart, une série de 20 romans dans lesquels il veut étudier l'Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire. Cette oeuvre majeure comporte des titres célèbres tels que L'Assommoir (l'alcoolisme des ouvriers), Germinal (le monde des mineurs) et La Bête humaine ( le monde des chemins de fer).
Le 13 janvier 1898, Zola prend la défense du capitaine Dreyfus dans J'accuse... !, un article historique publié dans le journal L'Aurore. Cette prise de position lui vaudra une année d'exil en Angleterre. Zola meurt à Paris en 1902. Ses cendres seront transférées au Panthéon en 1908.
2. Le contexte social et politique.Quand Zola a 8 ans, la Monarchie de Juillet est renversée. C'est la Deuxième République, qui disparaîtra très vite en 1851, avec le coup d'état de Louis-Napoléon, qui instaure le Second Empire. Napoléon III sera renversé lui-même en 1870, au début de la guerre francoprussienne. La Troisième République sera proclamée en 1871.
La seconde moitié du XIXème siècle est une période de progrès scientifiques et techniques. C'est aussi un siècle plein de grands bouleversements: la révolution industrielle et le capitalisme, l'exode rural, la constitution d'un prolétariat urbain, l'accroissement de la misère des pauvres, le pouvoir de la bourgeoisie, l'importance de l'argent, la naissance des idées socialistes et du syndicalisme.
3. L'affaire Dreyfus.
En octobre 1894, un officier de l'armée française, Alfred Dreyfus, d'origine juive, est accusé de haute trahison. II aurait vendu des renseignements militaires à l'Allemagne et à l'Italie.
Très vite, la presse s'empare de l'Affaire et les accusations contre le capitaine Dreyfus fusent de tous côtés: il serait ainsi un joueur effréné, il aurait la passion des femmes, etc.
Au même moment, la presse conservatrice en profite pour mener campagne contre la présence d'officiers juifs dans l'armée française. Les journaux catholiques se déchaînent littéralement contre les juifs qui deviennent tous des traîtres en puissance.
Quand Dreyfus est arrêté, diverses enquêtes sont menées sur lui, et notamment, son excellente connaissance de l'allemand joue en sa défaveur.
En réalité, le seul et unique document compromettant est un bordereau trouvé déchiré dans une poubelle qui prouve qu'un officier fournit des documents à l'Allemagne.
C'est un officier amateur de graphologie qui va comparer l'écriture de Dreyfus et celle du bordereau. D'autres personnes trouveront qu'il n'y a qu'une vague ressemblance entre les deux papiers mais cela suffit pour déférer Dreyfus devant le Conseil de Guerre.
Etant donné la façon dont la presse et l'opinion se sont emparées de l'Affaire, le pays va se trouver divisé en deux: d'un côté, les dreyfusards, généralement l'ensemble des progressistes - radicaux, socialistes et divers gauches - et, de l'autre, les anti-dreyfusards - les conservateurs, les antisémites et les catholiques. L'affaire s'envenime et dépasse même les frontières. Une partie de l'Europe s'intéresse au cas de l'officier juif.
Très vite, des intellectuels vont prendre la défense de Dreyfus. C'est le cas d'Emile Zola qui publie dans L'Aurore un pamphlet extrêmement violent qui dénonce la mauvaise foi de l'armée française, c'est son célèbre J'accuse qui le fera radier de la légion d'honneur et s'exiler en Angleterre en 1898.
Zola va se battre avec toute son énergie pour Dreyfus. Il va écrire une quantité impressionnante d'articles tous plus violents et plus brillants les uns que les autres. Et la révision du procès de Dreyfus puis sa grâce lui doivent énormément.

Autour de Germinal d'Émile Zola. Un auteur, une oeuvre, un film. Etude p, Présence et Action Culturelles, Bruxelles, 1993, page 18.

4. Le naturalisme. (seconde moitié du XIXème siècle)Les naturalistes veulent peindre la vie moderne (les usines, les gares, etc...) et ils s'intéressent à la vie quotidienne. Ils montrent la misère et ils dénoncent l'injustice sociale.
Les naturalistes sont marqués profondément par les idées d'Hippolyte Taine (18281893). Ce philosophe et historien déclare que le comportement des hommes est déterminé par des lois biologiques et physiques inscrites dans les gènes et qu'il ne dépend pas de son éducation, ni d'un choix personnel. Ainsi, les naturalistes pensaient que l'alcoolisme et d'autres vices étaient héréditaires. Ils croyaient aussi que l'homme était déterminé par le milieu dans lequel il vit.
5. Le naturalisme de Zola.Zola est influencé par les thèses de Taine, ainsi que par des ouvrages médicaux et scientifiques. Il admire beaucoup l'oeuvre. d'Honoré de Balzac, le maître du roman réaliste. Dans La Comédie Humaine (une série de romans), celui-ci a fait une véritable description de la société française de son époque.
Zola rêvait d'élaborer, à la manière de Balzac, une oeuvre grandiose, qu'il voulait réaliste et dans laquelle il appliquerait les théories scientifiques de son époque: c'est ainsi qu'il entreprend la rédaction des Rougon-Macquart.
Avant d'écrire un roman, Zola se documente donc d'une façon très complète sur le sujet en question: il lit des études, il rassemble toutes sortes de documents et il enquête sur le terrain. Mais cela ne l'empêche pas de faire un travail de romancier, c'est-à-dire qu'il invente des histoires et il imagine des situations, mais ses romans sont marqués par l'esprit positiviste de l'époque.
6. Le titre du roman.Germinal est le 7ième mois du calendrier républicain, le mois de la germination. A la fin du livre le printemps naissant éveille l'espoir que la justice naîtra parmi les hommes. Zola écrit lui-même dans une lettre: « Je cherchais un titre exprimant la poussée d'hommes nouveaux, l'effort que les travailleurs font, même inconsciemment, pour se dégager des ténèbres si laborieuses où ils s'agitent encore. »
Les mots de la mine
1.
- Je me nomme Etienne Lantier, je suis machineur... Il n'y a pas de travail ici?Les flammes l'éclairaient, il devait avoir vingt et un ans, très brun, joli homme, l'air fort malgré ses membres menus. Rassuré, le charretier hochait la tête.- Du travail pour un machineur, non, non... Il s'en est encore présenté deux hier. Il n'y a rien.Une rafale leur coupa la parole. Puis, Etienne demanda, en montrant le tas sombre des constructions, au pied du terri: - C'est une fosse, n'est-ce pas?Le vieux, cette fois, ne put répondre. Un violent accès de toux l'étranglait. Enfin, il cracha, et son crachat, sur le sol empourpré, laissa une tache noire.- Oui, une fosse, le Voreux... Tenez! le coron est tout près.A son tour, de son bras tendu, il désignait dans la nuit le village dont le jeune homme avait deviné les toitures.
page 30 (*)
2.
- Il y a longtemps, reprit-il, que vous travaillez à la mine? Bonnemort ouvrit tout grands les deux bras. - Longtemps, ah! oui!... Je n'avais pas huit ans, lorsque je suis descendu, tenez! juste dans le Voreux, et j'en ai cinquante-huit, à cette heure. Calculez un peu... J'ai tout fait là-dedans, galibot d'abord, puis herscheur, quand j'ai eu la force de rouler, puis haveur pendant dix-huit ans. Ensuite, à cause de mes sacrées jambes, ils m'ont mis de la coupe à terre, remblayeur, raccommodeur, jusqu'au moment où il leur a fallu me sortir du fond, parce que le médecin disait que j'allais y rester. Alors, il y a cinq années de cela, ils m'ont fait charretier... Hein? c'est joli, cinquante ans de mine, dont quarante- cinq au fond!Tandis qu'il parlait, des morceaux de houille enflammés, qui, par moments, tombaient de la corbeille, allumaient sa face blême d'un reflet sanglant.
page 35
3.
Etienne, descendu enfin du terri, venait d'entrer au Voreux; et les hommes auxquels il s'adressait, demandant s'il y avait du travail, hochaient la tête, lui disaient tous d'attendre le maître-porion. On le laissait libre, au milieu des bâtiments mal éclairés, pleins de trous noirs, inquiétants avec la complication de leurs salles et de leurs étages. Après avoir monté un escalier obscur à moitié détruit, il s'était trouvé sur une passerelle branlante, puis avait traversé le hangar du criblage, plongé dans une nuit si profonde, qu'il marchait les mains en avant, pour ne pas se heurter. Devant lui, brusquement, deux yeux jaunes, énormes, trouèrent les ténèbres. Il était sous le beffroi, dans la salle de recette, à la bouche même du puits.
page 53
4.
Maheu, dans la baraque, accroupi devant sa caisse, retirait ses sabots et ses gros bas de laine. Lorsque Etienne fut là, on régla tout en quatre paroles: trente sous par jour, un travail fatigant, mais qu'il apprendrait vite. Le haveur lui conseilla de garder ses souliers, et il lui prêta une vieille barrette, un chapeau de cuir destiné à garantir le crâne, précaution que le père et les enfants dédaignaient. Les outils furent sortis de la caisse, où se trouvait justement la pelle de Fleurance. Puis, quand Maheu y eut enfermé leurs sabots, leurs bas, ainsi que le paquet d'Etienne, il s'impatienta brusquement.
page 61
5.
Catherine, qui chauffait ses mains, dut suivre la bande. Etienne la laissa passer, monta derrière elle. De nouveau, il voyageait dans un dédale d'escaliers et de couloirs obscurs, où les pieds nus faisaient un bruit mou de vieux chaussons. Mais la lampisterie flamboya, une pièce vitrée, emplie de râteliers qui alignaient par étages des centaines de lampes Davy, visitées, lavées de la veille, allumées comme des cierges au fond d'une chapelle ardente. Au guichet, chaque ouvrier prenait la sienne, poinçonnée à son chiffre; puis, il l'examinait, la fermait lui-même; pendant que le marqueur, assis à une table, inscrivait sur le registre l'heure de la descente.
page 61-62
6.
Du reste, il ne pouvait distinguer les parois du puits, derrière le grillage où il collait sa face. Les lampes éclairaient mal le tassement des corps, à ses pieds. Seule, la lampe à feu libre du porion, dans la berline voisine, brillait comme un phare. - Celui-ci a quatre mètres de diamètre, continuait Maheu, pour l'instruire. Le cuvelage aurait bon besoin d'être refait, car l'eau filtre de tous côtés... Tenez! nous arrivons au niveau, entendez-vous? Etienne se demandait justement quel était ce bruit d'averse. Quelques grosses gouttes avaient d'abord sonné sur le toit de la cage, comme au début d'une ondée; et, maintenant, la pluie augmentait, ruisselait, se changeait en un véritable déluge.
page 64
7.
Les quatre haveurs venaient de s'allonger les uns au-dessus des autres, sur toute la montée du front de taille. Séparés par les planches à crochets qui retenaient le charbon abattu, ils occupaient chacun quatre mètres environ de la veine; et cette veine était si mince, épaisse à peine en cet endroit de cinquante centimètres, qu'ils se trouvaient là comme aplatis entre le toit et le mur, se traînant des genoux et des coudes, ne pouvant se retourner sans se meurtrir les épaules. Ils devaient, pour attaquer la houille, rester couchés sur le flanc, le cou tordu, les bras levés et brandissant de biais la rivelaine, le pic à manche court.
page 69
8.
Zacharie, les bras mous d'une noce de la veille, lâcha vite la besogne en prétextant la nécessité de boiser, ce qui lui permettait de s'oublier à siffler doucement, les yeux vagues dans l'ombre. Derrière les haveurs, près de trois mètres de la veine restaient vides, sans qu'ils eussent encore pris la précaution de soutenir la roche, insoucieux du danger et avares de leur temps.
page 70-71
9.
Il faisait, avec son pic une entaille dans le toit, puis une autre dans le mur; et il y calait les deux bouts du bois, qui étayait ainsi la roche. L'après-midi, les ouvriers de la coupe à terre prenaient les déblais laissés au fond de la galerie par les haveurs, et remblayaient les tranchées exploitées de la veine, où ils noyaient les bois, en ne ménageant que la voie inférieure et la voie supérieure, pour le roulage. Maheu cessa de geindre. Enfin, il avait détaché son bloc. Il essuya sur sa manche son visage ruisselant, il s'inquiéta de ce que Zacharie était monté faire derrière lui. - Laisse donc ça, dit-il. Nous verrons après déjeuner... Vaut mieux abattre, si nous voulons avoir notre compte de berlines. - C'est que, répondit le jeune homme, ça baisse. Regarde, il y a une gerçure. J'ai peur que ça n'éboule.
page 71
10.
A la vérité, ce n'était point un chemin commode. Il y avait une soixantaine de mètres, de la taille au plan incliné; et la voie, que les mineurs de la coupe à terre n'avaient pas encore élargie, était un véritable boyau, de toit très inégal, renflé de continuelles bosses: à certaines places, la berline chargée passait tout juste, le herscheur devait s'aplatir, pousser sur les genoux, pour ne pas se fendre la tête.
page 72-73
11.
En haut et en bas de ce plan, qui desservait toutes les tailles, d'un accrochage à un autre, se trouvait un galibot, le freineur en haut, le receveur en bas. Ces vauriens de douze à quinze ans se criaient des mots abominables; et, pour les avertir, il fallait en hurler de plus violents. Alors, dès qu'il y avait une berline vide à remonter, le receveur donnait le signal, la herscheuse emballait sa berline pleine, dont le poids faisait monter l'autre, quand le freineur desserrait son frein. En bas, dans la galerie du fond, se formaient les trains que les chevaux roulaient jusqu'au puits.
page 74
12.
- Viens, que je te montre quelque chose, murmura-t-elle d'un air de bonne amitié. Lorsqu'elle l'eut mené au fond de la taille, elle lui fit remarquer une crevasse, dans la houille. Un léger bouillonnement s'en échappait, un petit bruit, pareil à un sifflement d'oiseau. - Mets ta main, tu sens le vent... C'est du grisou. Il resta surpris. Ce n'était que ça, cette terrible chose qui faisait tout sauter? Elle riait, elle disait qu'il y en avait beaucoup ce jour-là, pour que la flamme des lampes fût si bleue.
page 81
13.
Dans la taille, le travail des haveurs avait repris. Souvent, ils abrégeaient le déjeuner, pour ne pas se refroidir; et leurs briquets, mangés aussi loin du soleil, avec une voracité muette, leur chargeaient de plomb l'estomac.
page 81(*)Les textes sont extraits de Germinal, Emile Zola, éd. Livre de Poche, coll. Classiques de Poche, Paris, 2000


Quelques extraits


Texte 1
- Vous savez, dit un soir Etienne, j'ai reçu une lettre de Pluchart. Il n'y avait plus là que Rasseneur. Le dernier client était parti, rentrant au coron qui se couchait. - Ah! s'écria le cabaretier, debout devant ses deux locataires. Où en est-il, Pluchart? Etienne, depuis deux mois, entretenait une correspondance suivie avec le mécanicien de Lille, auquel il avait eu l'idée d'apprendre son embauchement à Montsou, et qui maintenant l'endoctrinait, frappé de la propagande qu'il pouvait faire au milieu des mineurs. - Il en est, que l'association en question marche très bien. On adhère de tous les côtés, paraît-il. - Qu'est-ce que tu en dis, toi, de leur société? demanda Rasseneur à Souvarine. Celui-ci, qui grattait tendrement la tête de Pologne, souffla un jet de fumée, en murmurant de son air tranquille: - Encore des bêtises!Mais Etienne s'enflammait. Toute une prédisposition de révolte le jetait à la lutte du travail contre le capital, dans les illusions premières de son ignorance. C'était de l'Association internationale des travailleurs qu'il s'agissait, de cette fameuse Internationale qui venait de se créer à Londres. N'y avait-il pas là un effort superbe, une campagne où la justice allait enfin triompher? Plus de frontières, les travailleurs du monde entier se levant, s'unissant, pour assurer à l'ouvrier le pain qu'il gagne. Et quelle organisation simple et grande: en bas, la section, qui représente la commune; puis, la fédération, qui groupe les sections d'une même province; puis, la nation, et au-dessus, enfin, l'humanité, incarnée dans un Conseil général, où chaque nation était représentée par un secrétaire correspondant. Avant six mois, on aurait conquis la terre, on dicterait des lois aux patrons, s'ils faisaient les méchants. - Des bêtises! répéta Souvarine. Votre Karl Marx en est encore à vouloir laisser agir les forces naturelles. Pas de politique, pas de conspiration, n'est-ce pas? tout au grand jour, et uniquement pour la hausse des salaires... Fichez-moi donc la paix, avec votre évolution! Allumez le feu aux quatre coins des villes, fauchez les peuples, rasez tout, et quand il ne restera plus rien de ce monde pourri, peut-être en repoussera-t-il un meilleur. Etienne se mit à rire. Il n'entendait pas toujours les paroles de son camarade, cette théorie de la destruction lui semblait une pose. Rasseneur, encore plus pratique, et d'un bon sens d'homme établi, ne daigna pas se fâcher. Il voulait seulement préciser les choses.- Alors, quoi? tu vas tenter de créer une section à Montsou?C'était ce que désirait Pluchart, qui était secrétaire de la Fédération du Nord. Il insistait particulièrement sur les services que l'Association rendrait aux mineurs, s'ils se mettaient un jour en grève. Etienne, justement, croyait la grève prochaine: l'affaire des bois finirait mal, il ne fallait plus qu'une exigence de la Compagnie pour révolter toutes les fosses. - L'embêtant, c'est les cotisations, déclara Rasseneur d'un ton judicieux. Cinquante centimes par an pour le fonds général, deux francs pour la section, ça n'a l'air de rien, et je parie que beaucoup refuseront de les donner. - D'autant plus, ajouta Etienne, qu'on devrait d'abord créer ici une caisse de prévoyance, dont nous ferions à l'occasion une caisse de résistance... N'importe, il est temps de songer à ces choses. Moi, je suis prêt, si les autres sont prêts.
source: Germinal, E. Zola, libre de Poche, Paris, 2000; pages 177-179; Partie III, chapitre 1

Texte 2

Ce fut l'époque où Etienne entendit les idées qui bourdonnaient dans son crâne. Jusque-là, il n'avait eu que la révolte de l'instinct, au milieu de la sourde fermentation des camarades. Toutes sortes de questions confuses se posaient à lui: pourquoi la misère des uns? pourquoi la richesse des autres? pourquoi ceux-ci sous le talon de ceux-là, sans l'espoir de jamais prendre leur place? Et sa première étape fut de comprendre son ignorance. Une honte secrète, un chagrin caché le rongèrent dès lors: il ne savait rien, il n'osait causer de ces choses qui le passionnaient, l'égalité de tous les hommes, l'équité qui voulait un partage entre eux des biens de la terre. Aussi se prit- il pour l'étude du goût sans méthode des ignorants affolés de science. Maintenant, il était en correspondance régulière avec Pluchart, plus instruit, très lancé dans le mouvement socialiste. Il se fit envoyer des livres, dont la lecture mal digérée acheva de l'exalter: un livre de médecine surtout, l'Hygiène du mineur, où un docteur belge avait résumé les maux dont se meurt le peuple des houillères; sans compter des traités d'économie politique d'une aridité technique incompréhensible, des brochures anarchistes qui le bouleversaient, d'anciens numéros de journaux qu'il gardait ensuite comme des arguments irréfutables, dans des discussions possibles. Souvarine, du reste, lui prêtait aussi des volumes, et l'ouvrage sur les Sociétés coopératives l'avait fait rêver pendant un mois d'une association universelle d'échange, abolissant l'argent, basant sur le travail la vie sociale entière. La honte de son ignorance s'en allait, il lui venait un orgueil, depuis qu'il se sentait penser. Durant ces premiers mois, Etienne en resta au ravissement des néophytes, le coeur débordant d'indignations généreuses contre les oppresseurs, se jetant à l'espérance du prochain triomphe des opprimés. Il n'en était point encore à se fabriquer un système, dans le vague de ses lectures. Les revendications pratiques de Rasseneur se mêlaient en lui aux violences destructives de Souvarine; et, quand il sortait du cabaret de l'Avantage, où il continuait presque chaque jour à déblatérer avec eux contre la Compagnie, il marchait dans un rêve, il assistait à la régénération radicale des peuples, sans que cela dût coûter une vitre cassée ni une goutte de sang. D'ailleurs, les moyens d'exécution demeuraient obscurs, il préférait croire que les choses iraient très bien, car sa tête se perdait, dès qu'il voulait formuler un programme de reconstruction. Il se montrait même plein de modération et d'inconséquence, il répétait parfois qu'il fallait bannir la politique de la question sociale, une phrase qu'il avait lue et qui lui semblait bonne à dire, dans le milieu de houilleurs flegmatiques où il vivait.
source: Germinal, E. Zola, libre de Poche, Paris, 2000; pages 201-203; Partie III, chapitre 3

Texte 3

Etienne, hors de lui, tremblant de colère, les yeux dans les yeux du camarade [= Rasseneur], répétait en bégayant: - Tu as fait ça! tu as fait ça! - J'ai fait ça, parfaitement! Et tu sais pourtant si j'ai confiance en Pluchart! C'est un malin et un solide, on peut marcher avec lui... Mais, vois-tu, je me fous de vos idées, moi! La politique, le gouvernement, tout ça, je m'en fous! Ce que je désire, c'est que le mineur soit mieux traité. J'ai travaillé au fond pendant vingt ans, j'y ai sué tellement de misère et de fatigue, que je me suis juré d'obtenir des douceurs pour les pauvres bougres qui y sont encore; et, je le sens bien, vous n'obtiendrez rien du tout avec vos histoires, vous allez rendre le sort de l'ouvrier encore plus misérable... Quand il sera forcé par la faim de redescendre, on le salera davantage, la Compagnie le paiera à coups de trique, comme un chien échappé qu'on fait rentrer à la niche... Voilà ce que je veux empêcher, entends-tu? Il haussait la voix, lé ventre en avant, planté carrément sur ses grosses jambes. Et toute sa nature d'homme raisonnable et patient se confessait en phrases claires, qui coulaient abondantes, sans effort. Est-ce que ce n'était pas stupide de croire qu'on pouvait d'un coup changer le monde, mettre les ouvriers à la place des patrons, partager l'argent comme on partage une pomme? Il faudrait des mille ans et des mille ans pour que ça se réalisât peut-être. Alors, qu'on lui fichât la paix, avec les miracles! Le parti le plus sage, quand on ne voulait pas se casser le nez, c'était de marcher droit, d'exiger les réformes possibles, d'améliorer enfin le sort des travailleurs, dans toutes les occasions. Ainsi, lui se faisait fort, s'il s'en occupait, d'amener la Compagnie à des conditions meilleures; au lieu que, va te faire fiche! on y crèverait tous, en s'obstinant. [...]A chacune de ses courses au milieu des bancs, Etienne revenait vers le cabaretier[= Rasseneur], le saisissait par les épaules, le secouait, en lui criant ses réponses dans la face. - Mais, tonnerre de Dieu! je veux bien être calme. Oui, je leur ai imposé une discipline! oui, je leur conseille encore de ne pas bouger! Seulement, il ne faut pas qu'on se foute de nous, à la fin!... Tu es heureux de rester froid. Moi, il y a des heures où je sens ma tête qui déménage.C'était, de son côté, une confession. Il se raillait de ses illusions de néophyte, de son rêve religieux d'une cité où la justice allait régner bientôt, entre les hommes devenus frères. Un bon moyen vraiment, se croiser les bras et attendre, si l'on voulait voir les hommes se manger entre eux jusqu'à la fin du monde, comme des loups. Non! il fallait s'en mêler, autrement l'injustice serait éternelle, toujours les riches suceraient le sang des pauvres. Aussi ne se pardonnait-il pas la bêtise d'avoir dit autrefois qu'on devait bannir la politique de la question sociale. Il ne savait rien alors, et depuis il avait lu, il avait étudié. Maintenant, ses idées étaient mûres, il se vantait d'avoir un système. Pourtant, il l'expliquait mal, en phrases dont la confusion gardait un peu de toutes les théories traversées et successivement abandonnées. Au sommet, restait debout l'idée de Karl Marx: le capital était le résultat de la spoliation, le travail avaitle devoir et le droit de reconquérir cette richesse volée. Dans la pratique, il s'était d'abord, avec Proudhon, laissé prendre par la chimère du crédit mutuel, d'une vaste banque d'échange, qui supprimait les intermédiaires; puis, les sociétés coopératives de Lassalle, dotées par l'Etat, transformant peu à peu la terre en une seule ville industrielle, l'avaient passionné, jusqu'au jour où le dégoût lui en était venu, devant la difficulté du contrôle; et il en arrivait depuis peu au collectivisme, il demandait que tous les instruments du travail fussent rendus à la collectivité. Mais cela demeurait vague, il ne savait comment réaliser ce nouveau rêve, empêché encore par les scrupules de sa sensibilité et de sa raison, n'osant risquer les affirmations absolues des sectaires. Il en était simplement à dire qu'il s'agissait de s'emparer du gouvernement, avant tout. Ensuite, on verrait. [...]Brusquement, il s'arrêta devant Souvarine, il cria: - Vois-tu, si je savais coûter une goutte de sang à un ami, je filerais tout de suite en Amérique!Le machineur haussa les épaules, et un sourire amincit de nouveau ses lèvres.- Oh! du sang, murmura-t-il, qu'est-ce que ça fait? la terre en a besoin.Etienne, se calmant, prit une chaise et s'accouda de l'autre côté de la table. Cette face blonde, dont les yeux rêveurs s'ensauvageaient parfois d'une clarté rouge, l'inquiétait, exerçait sur sa volonté une action singulière. Sans que le camarade parlât, conquis par ce silence même, il se sentait absorbé peu à peu. - Voyons, demanda-t-il, que ferais-tu à ma place? N'ai-je pas raison de vouloir agir?... Le mieux, n'est-ce pas? est de nous mettre de cette Association. Souvarine, après avoir soufflé lentement un jet de fumée, répondit par son mot favori:- Oui, des bêtises! mais, en attendant, c'est toujours ça... D'ailleurs, leur Internationale va marcher bientôt. Il s'en occupe.- Qui donc?- Lui!Il avait prononcé ce mot à demi-voix, d'un air de ferveur religieuse, en jetant un regard vers l'Orient. C'était du maître qu'il parlait, de Bakounine l'exterminateur.- Lui seul peut donner le coup de massue, continua-t-il, tandis que tes savants sont des lâches, avec leur évolution... Avant trois ans, l'Internationale, sous ses ordres, doit écraser le vieux monde.Etienne tendait les oreilles, très attentif. Il brûlait de s'instruire, de comprendre ce culte de la destruction, sur lequel le machineur [= Souvarine] ne lâchait que de rares paroles obscures, comme s'il eût gardé pour lui les mystères. - Mais enfin explique-moi... Quel est votre but? - Tout détruire... Plus de nations, plus de gouvernements, plus de propriété, plus de Dieu ni de culte.- J'entends bien. Seulement, à quoi ça vous mène-t-il? - A la commune primitive et sans forme, à un monde nouveau, au recommencement de tout.- Et les moyens d'exécution? comment comptez-vous vous y prendre?- Par le feu, par le poison, par le poignard. Le brigand est le vrai héros, le vengeur populaire, le révolutionnaire en action, sans phrases puisées dans les livres. Il faut qu'une série d'effroyables attentats épouvantent les puissants et réveillent le peuple.
source: Germinal, E. Zola, libre de Poche, Paris, 2000; pages 276-277, 278-279, 281-282; Partie IV, chapitre 4
© Luc Van Kerchove, Corinne Mahout-Orange et FORMACOM.

mercoledì 2 maggio 2007

Germinal (film, 1993)

GERMINAL ( film, 1993)

Synopsis
Vers la fin du XIXe siècle, Etienne Lantier, manœuvre au chômage, arrive à la mine "Le Voreux", dans le nord de la France. Après la mort d'une mineuse du nom de Florence, il est engagé. Il est envoyé dans un petit groupe dirigé par Toussaint Maheu, qui deviendra son ami. Etienne tombe amoureux de la jeune Catherine, hélas fiancée de Chaval. Mais les conditions de travail se dégradent, une grève risque d'éclater prochainement...



VOIR LA SUITE SUR:

http://fr.wikipedia.org/wiki/Germinal_(film,_1993)

martedì 24 aprile 2007

VOIR AUSSI:
http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9moires_d'Hadrien

ET ENCORE....

Les Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar ont éclairé naguère la grande figure de l'Empire romain que fut Hadrien Publius Aelius Hadrianus et lui ont donné l'audience d'un large public. De tous les souverains qui se succèdent à Rome sur le trône impérial, Hadrien est, avec Marc Aurèle, l'un des plus attachants, un de ces hommes d'État dont on peut dire qu'ils ont su incarner une
3 ROMAN - Essai de typologie En apparence, une œuvre romanesque est un discours suivi. En fait, un roman est une forme littéraire construite à partir d'une réalité elle-même structurée, ou du moins que le romancier perçoit comme organisée. Un groupe social, un problème ou un cas psychologique, un événement historique, un fait divers, une biographie peuvent être les matrices d'une œuvre de fiction. Quand cette forme première, génétique, est de nature linéaire, la forme du roman prendra,[...]
4 ROMAN HISTORIQUE Au XX e siècle, les surgeons du roman historique poussent dans des directions très divergentes : soit ils narrent l'aventure d'individus isolés et écrasés par les convulsions de l'histoire ainsi les romans inspirés par les guerres mondiales ; soit ils offrent une méditation distanciée sur le cours même de l'histoire M. Yourcenar, Mémoires d'Hadrien ; Aragon, La Semaine sainte ; soit ils font éclater la notion de personnage et toute vision unidimensionnelle de l'histoire tels les romans de Dos Passos ; soit, encore, ils utilisent, à l'instar de La Roue rouge 1983-1993 de Soljenitsyne, une écriture « polyphonique ». Le roman historique postmoderne remet en question

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Marguerite Youcenar : Mémoires d'Adrien


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Yourcenar, Marguerite
1.
Présentation


Yourcenar, Marguerite (1903-1987), écrivain et essayiste française, auteur des Mémoires d’Hadrien (1951) et de l’Œuvre au noir (1968). Elle est la première femme à avoir été élue à l’Académie française.
2.
La naissance d’un style


Née à Bruxelles (Belgique), orpheline de mère, Marguerite Yourcenar (anagramme de Crayencour, son véritable patronyme) connaît aux côtés de son père une enfance cosmopolite, probablement à l’origine de l’ouverture culturelle que l’on retrouve dans l’éclectisme de sa production littéraire. La formation exclusivement classique qu’elle reçoit influence aussi fortement son œuvre, tout empreinte d’une Antiquité érigée en modèle de langue et de pensée, comme l’attestent ses premières poésies — le Jardin des chimères (1921), Les dieux ne sont pas morts (1922) —, mais surtout la recherche permanente du style sobre et érudit qui la caractérise et qui débute en 1929 avec son premier roman : Alexis ou le Traité du vain combat, longue lettre d’adieu d’un mari nouvellement homosexuel, en proie aux affres de sa morale amoureuse, qui trahissent et révèlent ses influences gidiennes.
3.
Une œuvre anthropologique

Au début des années 1930, Marguerite Yourcenar s’engage dans la vaste production d’œuvres à caractère historique et mythologique, tels Pindare (1932), Denier du rêve (1934), La mort conduit l’attelage (1935), Feux (1936), un recueil de prose lyrique issu d’une « crise passionnelle et personnelle » ou encore les Nouvelles orientales (1938), qui tendent à la « transparence » ou véracité atemporelle, par leur ancrage très prononcé dans l’histoire. Adepte de ce qu’elle appelle « la magie sympathique », et qu’illustrent parfaitement les Mémoires d’Hadrien (1951), méditation biographique d’un empereur vieillissant, et l’Œuvre au noir (1968, prix Femina), qui raconte la vie d’un alchimiste de la Renaissance, Marguerite Yourcenar cherche à pénétrer la conscience d’une figure historique, réelle ou imaginaire, pour décrire le monde à travers son regard et ses pensées. Ainsi, ses ouvrages trouvent un juste équilibre entre le caractère subjectif de cette vision et l’exactitude historique, culturelle et idéologique des faits qui y sont dépeints. Cela l’amènera d’ailleurs à remanier Denier du rêve en 1959 et les Nouvelles orientales en 1978, à la lumière du recul historique et de sa propre analyse des débordements socio-politiques que furent le fascisme et la xénophobie.
La Seconde Guerre mondiale lui inspire un théâtre mythologique acerbe dénonçant l’atrophie culturelle dont elle est la cause. Ainsi naissent Qui n’a pas son Minotaure (1933, revu en 1963), Electre ou la chute des masques (1944, publié en 1954), le Mystère d’Alceste (1946, publié en 1963).
4.
Privilégier l’authenticité

Marguerite Yourcenar procède selon une méthode similaire de mise en abyme des êtres qu’elle sonde dans son autobiographie, en proposant la fresque « historique » des lignées parentales dans le Labyrinthe du monde, qui comprend trois parties : Souvenirs pieux (1974), consacré à son ascendance maternelle, Archives du Nord (1977), dédié à la généalogie paternelle, et Quoi ? L’Éternité (posth. 1988, inachevé), où elle évoque sa propre enfance. Avec Comme l’eau qui coule (1982), composé de trois nouvelles : Anna, soror (édité seul en 1935), Un homme obscur et Une belle matinée (composés respectivement en 1979 et 1981), elle donne sa dernière œuvre de fiction, reprenant dans Un homme seul, comme pour illustrer les rapports ontologiques qu’elle tisse avec sa littérature, les textes et les personnages de son premier récit non publié, Remous.
Dans ce même souci d’authenticité et d’« unité alchimique » universelle, dont seul l’art — union du travail et de l’imagination —, est la clef, et pour se placer elle aussi à « la surface du temps », elle procède au rassemblement de ses poèmes (les Charités d’Alcippe, 1954) et de ses essais (Sous bénéfice d’inventaire, 1962 ; le Temps, ce grand sculpteur, 1983).
Dans la même optique syncrétique, elle effectue de nombreuses traductions, non seulement d’œuvres littéraires comme celles des poètes grecs (la Couronne et la Lyre, 1979), mais encore de Virginia Woolf (le roman les Vagues), de Henry James et de negro spirituals américains, à l’image de ceux composant Fleuve profond, sombre rivière (1964). Elle publie également une monographie, Mishima ou la Vision du Vide (1981).
Membre de l’Académie royale de Belgique (1970), décorée de la Légion d’honneur, elle est élue en 1980 à l’Académie française, institution jusqu’alors exclusivement masculine. En 2002 paraît Portrait d’une voix, recueil d’entretiens choisis et présentés par Maurice Delacroix, accordés par Marguerite Yourcenar à diverses personnalités, dans lesquels elle dévoile un peu plus sa personnalité et son travail d’écrivain.


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